mardi 31 mars 2009

Déictiques

A partir de demain soir, je ne serai plus ici, mais je serai là-bas. Enfin, pour être géographiquement précis, je serai bien plus loin que là-bas, puisque je serai à 9 000 kilomètres d'ici, dans l'extrême de l'Orient, au pays du matin calme.

J'espère revenir avec pleins de mots, d'images et de couleurs dans la tête. Et peut-être aussi des tas de jolies histoires !

A bientôt !

jeudi 26 mars 2009

La chasse aux mots

Hier soir, juste avant d'éteindre l'ordinateur pour aller me coucher, je lis le gentil commentaire de San Tooshy à mon texte un peu gris d'hier. Quelques lignes, avec au milieu, une petite idée. L'heure qui a suivi, en me tournant et me retournant dans mon lit, j'ai compris que les mots que je croyais partis étaient revenus et que la petite idée de San Tooshy allait conquérir mon insomnie !

Et voilà aujourd'hui, j'ai fermé les dossiers importants du travail, ouvert une page blanche dans Word et écrit une toute petite histoire. Non, non, cette histoire n'est pas autobiographique : la preuve, c'est que dans le ciel, point de soleil... juste de gros nuages gris !

Merci, San Tooshy, pour ton idée !

***

La chasse aux mots


Madame Moun est écrivain. Son métier, c’est de dompter les mots pour les enfermer dans des pages blanches. Lorsqu’elle a attrapé un mot avec le bout pointu de sa plume, madame Moun lui donne un rôle. Impérieusement, elle commande : « Toi, tu seras sujet ! Et toi, verbe ! Quant à toi, là-bas, tu as une tête de complément du nom ! » Les ordres sont donnés avec tant d’autorité que tous les mots obéissent à madame Moun au doigt et à l’œil. Docilement, ils viennent s’attacher les uns aux autres et, valeureux soldats, s’alignent en rangs serrés sur la blancheur du papier.
Aujourd’hui, le soleil est venu toquer à la fenêtre du bureau de madame Moun et un rayon a fait jouer son ombre sous la plume de l’écrivain. Le papier blanc est devenu éclatant et les mots, dans cette blancheur lumineuse, paraissaient tout pales. Mais les mots n’ont rien dit, et ont continué de s’aligner sagement sous les doigts de leur auteur.
Tous les mots, sauf un.
Un tout petit mot, un mot minuscule, un mot de rien du tout s’est faufilé doucement, sur la pointe des lettres. Sans rien dire, il a glissé le long de la feuille de papier… puis il a filé !
Hop, de l’autre côté de la fenêtre, le mot s’est envolé !
Hop, très loin dans le jardin, le mot s’est évadé !
Hop, entre les nuages et les fleurs de printemps, le mot s’est évaporé !
Devant son bureau, madame Moun n’a rien vu et continue de commander à sa troupe de mots. Or, depuis que le tout petit mot s’est enfui, il y a dans une phrase un tout petit vide. Un vide minuscule, un vide de rien du tout. Mais un vide suffisamment grand pour qu’un deuxième mot vienne s’y introduire. Tout doucement, celui-ci se laisse glisser sur le papier, et, en bondissant sur ses lettres de derrière, quitte la feuille et enjambe la fenêtre.
Hop, le deuxième mot s’est enfui !
Deux mots sont partis, et maintenant dans la phrase que madame Moun trace sur le papier, il y a un vide un peu plus grand. Alors, un troisième mot vient s’y glisser. Puis un quatrième, puis un cinquième. Puis une phrase entière. Puis un paragraphe.
Hop, par la fenêtre, tous les mots de madame Moun s’envolent !
Hop, entre les brins d’herbes, les coquelicots et les feuilles des arbres, tous les mots filent loin, très loin du papier de madame Moun !
Madame Moun est en colère. Sur son papier, il n’y a plus rien d’autre que l’éclat du soleil. Alors, devant sa page blanche, madame Moun crie après les mots infidèles :
– Maudits mots, où êtes-vous tous partis ?
Nul ne l’entend, nul ne répond. Les mots ont bien autre chose à faire qu’à obéir à la tyrannie de l’auteur furieux ! Les adverbes se font bronzer insolemment sur les pierres chaudes de l’allée. Quelques adjectifs se sont enroulés dans le nid des hirondelles, tandis que d’autres sautillent dans la luzerne avec les lapins. Les verbes, toujours actifs et intrépides, descendent le courant de la rivière, calés sur une feuille d’érable. Et à l’ombre du grand saule pleureur, quelques pronoms amoureux effeuillent la marguerite.
D’un geste brusque, madame Moun a posé sa plume sur le papier déserté. Elle va dans la grange et attrape un filet à papillon. Là voilà maintenant dans le jardin qui court après les mots volants !
Madame Moun saute.
Madame Moun bondit.
Madame Moun plonge.
Au bout de son filet à papillon, les mots les plus maladroits se font emprisonner : deux noms communs qui ont oublié d’être propres, un verbe un peu trop passif qui se laisse conjuguer et un adverbe dormant paresseusement avec une proposition relative… Enfin, madame Moun a attrapé assez de mots pour former une phrase entière. Du bout des doigts, elle attrape un à un les mots rebelles. Délicatement, elle les dépose dans son mouchoir, puis revient devant la feuille de papier blanc.
Mais maintenant que les mots ont goûté à la liberté, impossible de revenir s’enfermer dans le cadre serré d’une feuille blanche ! Un à un, les mots, de nouveau, s’envolent. Les noms communs s’enfuient derrière un buisson, le verbe s’évade avec un papillon et l’adverbe file avec une préposition qui passait par là.
Rien. Il n’y a plus rien sur le papier blanc de madame Moun. Aucun mot, aucune phrase. Rien d’autre que des rêves muets et des espoirs évanouis.
Madame Moun a envie de pleurer devant sa feuille blanche. Mais, par la fenêtre, un rayon de soleil vient chatouiller sa joue. Le soleil est chaud, le soleil est beau. Derrière le carreau, il chuchote, il appelle :
– Madame Moun, regarde ! le ciel, les nuages… l’immensité de l’infini ! Madame Moun, respire ! les fleurs, les arbres en couleurs… le parfum du printemps ! Madame Moun, goûte ! les fruits sucrés, les saveurs oubliées… le goût de la liberté !
Madame Moun regarde.
Madame Moun respire.
Madame Moun goûte.
Comme c’est beau, comme c’est bon, comme c’est doux, le printemps en liberté !
Alors, madame Moun prend la feuille de papier blanc. Elle plie ici, là, et puis ici. Deux ailes opalines, un bec blanc… Sous ses doigts, une jolie grue de papier a pris naissance. Madame Moun se fait toute petite, aussi minuscule qu’un joli mot de printemps, aussi légère qu’une gentille phrase désinvolte. Puis elle se laisse glisser doucement sur l’oiseau blanc.
Hop, dans le ciel bleu, madame Moun s’est évadée !
Hop, dans l’immensité du printemps, madame Moun s’est échappée !
Hop, avec les mots voyageurs, madame Moun est partie inspirer la liberté !

mercredi 25 mars 2009

La tête vide

C'est étrange ce sentiment que j'ai souvent de ne contrôler ni mes émotions, ni mes pensées. Depuis quelques jours, j'ai l'impression d'avoir la tête vide. Comme dans les dessins animés où, lorsqu'on tape sur la tête d'un personnage, on entend un bruit creux et sonore. Depuis deux-trois jours, il n'y a aucune idée dans ma tête, pas d'histoire, pas d'images. Rien ! Il y a bien une petite histoire qui m'est apparue d'un coup il y a une quinzaine de jours... mais je n'arrive pas à me concentrer sur elle et, lorsque j'essaie de faire avancer les idées, celles-ci piétinent et tournent sur elles-mêmes sans bouger d'un poil.

Mais ce n'est pas grave ! Je suis presque convaincue que ma tête saura bientôt à nouveau se remplir d'idées. En attendant, je me repose. Et ça fait du bien.

Comme ma tête est vide, j'en profite pour l'emplir de tout, de rien...
J'y fais entrer les jolies fleurs roses du printemps :

Je marche le nez en l'air, les mains dans les poches et je cherche des haikus... Je pense :
Le froid piquant du printemps
Je compte 7 syllabes, mais je n'arrive pas à trouver les deux autres vers à 5 syllabes. Tant pis, ce n'est pas grave. Ma tête est vide, mais pas mes yeux.

Je continue d'avancer sous les arbres fleuris et je rêve à mon voyage asiatique qui, dans une semaine à peine, viendra emplir ma tête de mille saveurs, mille couleurs, mille musiques... et peut-être, à nouveau, mille idées.


dimanche 22 mars 2009

L'attente

En ce moment, j'envoie des courriers, des mails. Et puis j'attends. Pas de réponse. Rien. Nada. Je me dis, sans trop y croire : Peut-être que ma messagerie ne fonctionne pas ? Mais non, je reçois bien les mails de monsieur Moun. Donc, non, le silence n'a pas de causes techniques.
Alors je me dis : Est-ce qu'il faudrait changer ça ? ou bien ça ? ai-je pris la mauvaise direction ? ferais-je mieux de passer mon temps à autre chose qu'à écrire ? Et puis surtout, je me demande : dois-je me résoudre à écrire des textes qui resteront dans mes tiroirs ? si oui, à quoi bon ?

Mais toutes ces questions me font mal à la tête. Alors, je ferme l'ordinateur et je sors la machine à coudre. Un joli tissu fleuri envahi par les couleurs du printemps, un patron très simple glané sur Internet et un petit peu de douce patience.
Quelques heures plus tard, voilà un petit doudou-hochet qui attend sur le canapé du salon.

Et quelques jours plus tard, lorsque le doudou-hochet sort du paquet cadeau, je vois le grand sourire d'une toute petite fille.
A peine offert, le doudou a été adopté. Avec une telle simplicité que cela en semblerait déconcertant.

Cela fait du bien, parfois, d'arrêter de se demander "pourquoi" et "à quoi bon". Et puis aussi d'arrêter d'attendre.

mardi 17 mars 2009

"Rétorqua-t-il"

- Hep ! l'écrivaillone ! héla la Voix dans le creux de l'oreille de la conscience qui l'abritait.
- Hé mais oh ! Qui te donne le droit de m'injurier comme ça ! répondit avec colère l'auteur.
- Mais j'ai tous les droits, voyons, puisque je suis ton Surtoi tout puissant ! répondit la Voix avec assurance.
- Ouais, ben tais-toi, abrutie ! injuria l'auteur oubliant toute sa bonne éducation.
- Bonne éducation ? Ah ah, laisse-moi rire ! s'exclama la Voix qui entendait tout - même les incises de la narratrice. S'il y a bien quelqu'un qui devrait la mettre en sourdine ici, c'est toi ! vociféra la Voix dans un furieux pléonasme.
- Mais ce n'est pas moi la bavarde, c'est toi ! explosa l'auteur.
- Que nenni ! rétorqua la Voix. Il faudrait que tu prennes des leçons de bien écrire, c'est moi qui te le dis ! Tout d'abord, première leçon : vas à l'essentiel, que diable ! Allège tes phrases ! Supprime-moi ces adverbes bedonnant qui pèse trois tonnes et qui ralentissent ton discours ! Ôte-moi ces adjectifs à la chaîne qui gâtent tes descriptions à force de sur-qualifier à outrance ! Et puis surtout, surtout... mets-moi à la poubelle ces verbes de discours qui semblent venus tout droit d'une rédaction de classe 4e ! Je ne veux plus de "rétorqua la Voix" dans tes dialogues, tu m'entends ?
- Euh oui... murmura l'auteur.
- Qu'est-ce que j'ai dit ?
- Pardon !
- Pourquoi dire en dix phrases ce que tu peux dire en une seule ? Sobriété, efficacité, économie ! Tels seront tes maîtres-mots désormais !
- D'accord, répon...
- C'est le printemps ! Profite en pour faire un grand ménage dans ton écriture !

*

La Voix est sévère et sans appel, c'est le moins qu'on puisse dire. Mais je crois qu'elle donne quand même de bons conseils. Après ce dialogue inopiné avec la Voix (car je ne choisis jamais de discuter avec la Voix : c'est toujours elle qui me tombe dessus !), je suis allée fouiller dans ma bibliothèque et j'ai ressorti un bouquin que je n'avais pas ouvert depuis longtemps : Je suis un auteur jeunesse, de Christian Grenier. Ce livre (dont je possède un exemplaire dédicacé à mon nom !) pourrait être ma bible. Au-delà de l'aspect biographique de cet essai, on y trouve de jolies formules sur le métier d'écrire - et d'écrire pour la jeunesse. Un auteur est d'abord un "moteur jeunesse", dit ainsi Christian Grenier. J'aime bien cette métaphore automobile.


Hier, donc, je relisais des passages et quelle fut ma surprise de trouver sous la plume de l'excellent Christian Grenier des résolutions quasiment identiques à celles de la Voix. A bas les verbes de paroles dans les dialogues, dit-il pages 239-241 :
"Mon souci permanent dans une fiction (c'est un choix, pas une recette !) est d'effacer ces verbes de parole pour centre l'attention du lecteur sur ce qui se passe, ce qui se dit - et non sur un jugement ou une intrusion narrative qui pirate les faits." (p. 240)

Allez, c'est le nettoyage de printemps ! A la poubelle les "rétorqua-t-il", les "argumenta-t-elle" et les "répondis-je" qui n'ont rien pigé ! Ouf, on respire !

lundi 16 mars 2009

Mes textes guillotinés

J'ai commencé ce doudou il y a près de trois mois. Le modèle n'était pas très compliqué, mais il n'était pas si facile à réaliser car le patron et les explications venaient d'un livre japonais... et donc tout était écrit en japonais ! J'ai analysé les dessins annotés, essayé de reconnaître les idéogrammes étranges qui les accompagnaient et coupé les pièces dans un joli tissu japonais.

J'avais presque fini, mais au moment de monter la tête du petit lapin, monsieur Moun qui regardait sur mon épaule s'est exclamé : "mais tu t'es trompée, tu n'as pas cousu les morceaux dans le bon sens !" En effet, la tête du lapin avait deux pointes de chaque côté, comme si l'animal avait attrapé une mauvaise bosse. En râlant un peu, j'ai tout démonté et j'ai cousu à nouveau les bouts de tissu, brodant pour une seconde fois des yeux et un museau. Mais au moment de fixer la tête sur le corps, monsieur Moun, qui passait à nouveau la tête sur mon épaule, s'est une nouvelle fois exclamé : "mais tu t'es encore trompée !" En effet, avec mon aiguille à la main j'avais eu la tête en l'air... et mon lapin avait la tête à l'envers !
Je n'ai pas eu le courage de tout recommencer une nouvelle fois. Alors, depuis décembre, mon lapin japonais est guillotiné. Il n'a plus qu'à se balader avec la tête sous le bras... en espérant qu'un insolent chat ne vienne pas faire valdinguer sa petite tête sous le canapé du salon.

Bien des textes que j'écris sont un peu comme la tête de ce lapin japonais : un peu ratés, pas vraiment d'aplomb et éternellement en attente des retouches essentielles qui lui permettraient d'inscrire le mot "FIN" au-dessous de la dernière phrase.
Souvent, j'écris mes textes d'un seul trait. Dans l'écriture, je jubile et j'arrête sinon de respirer, du moins de penser et surtout de juger. Je sais que si je veux continuer d'écrire, je dois faire taire la méchante voix critique qui sommeille en moi. Si jamais elle ose venir dire un mot, je lui crie "Tais-toi !" et je me bouche les oreilles pour mieux continuer à écrire malgré tout. Mais une fois la dernière phrase écrite, quand vient le moment de la relecture, la voix revient. Elle dit "c'est nul". Elle dit "tout est à refaire". Elle dit "c'est vraiment n'importe quoi". Mais elle ne dit pas ce qui, concrètement, ne va pas. Elle se contente de critiquer sans donner d'aide.
Alors je me retrouve face à un texte que je juge tout de travers... et je ne sais pas quoi faire. Je n'ai pas le courage de tout recommencer. J'ai un peu peur qu'en refaisant tout, tout s'écroule. Et puis aussi je manque un peu de courage. Alors, je ne fais rien. Mon texte reste bancal. Et je l'oublie sur un coin du bureau, sous une pile de dossiers.

C'est dommage, je sais. Mais je crois que le plus important dans l'écriture n'est pas tant le talent que la confiance en soi. Lorsqu'on n'a pas confiance en soi, n'est-on pas son plus inquiétant ennemi ?

dimanche 15 mars 2009

Des projets en chaussettes

42 jolis projets et des chaussettes en pagaille. Des auteurs et des illustrateurs.
Et un beau site Internet pour voir tout cela :Pour lire et regarder les merveilles de mes collègues du "Projet 6", il suffit de suivre ce lien.

Et puis pour découvrir l'histoire de Zloopy et de Scoty, magnifiquement illustrée par Coralie, c'est par ici que ça se passe !

Bonnes lectures !

mercredi 11 mars 2009

L'écrivain au travail

Toute ressemblance avec la réalité ne serait pas du tout feinte.
(Cliquer sur la photo pour l'agrandir)

Et chez vous, c'est comment ?

(Par contre, Paint pour écrire sur les photos c'est vraiment pas top !!)


mardi 10 mars 2009

"Mais pourquoi pour la jeunesse ?"

Nous sommes assises devant d'énormes chocolats chauds, dans notre QG à deux pas du (jardin du) Luxembourg. Copine Juju me regarde, m'écoute, se confie. Et puis soudain, elle me demande :
- Écrire oui... Mais pourquoi pour la jeunesse ?
Voilà des années que Copine Juju me voit courir après mon désir d'écrire et aperçoit de mes tiroirs les textes que je n'ose pas même lui montrer. Et voilà qu'aujourd'hui, devant les grands tasses de chocolat brûlant, elle me demande "Mais pourquoi pour la jeunesse ?"
Comme souvent quand on me pose une question, je ne sais pas trop quoi répondre, comme si au fond j'arrivais à mieux répondre aux questions qu'on ne me pose pas. Dans ma réponse, des mots comme "imagination", "liberté" s'entrechoquent. Puis j'avale une gorgée de chocolat. Et on parle d'autre chose.

Mais plus tard, seule devant mon ordinateur, j'entends à nouveau dans ma tête la question de Copine Juju : "Mais pourquoi pour la jeunesse ?" Et là, soudain, je crois savoir pourquoi...
Parce que dans une histoire pour enfant, tout est possible :
- parce que les éléphants peuvent voler, être roses à pois jaunes et pleurer des larmes crocodiles ;
- parce que les princesses ont le droit d'épouser des princes et d'avoir beaucoup d'enfants même si des milliards et des milliards de princesses ont eu la même destinée dans les milliards de contes qui ont été écrits depuis l'invention des hommes, des châteaux forts et des dragons ;
- parce qu'un enfant ne viendra jamais me dire "ton histoire m'ennuie parce que je l'ai déjà lue des dizaines de fois auparavant" ;
- parce qu'un enfant n'a pas lu Barthes, Genette et la Critique contre Sainte-Beuve et ne va pas juger mes écrits à l'aune de ces grands mots qui, dans leur conceptualisation outrée, ressemblent à des gros mots ;
- parce qu'écrire pour les enfants me fait moins peur qu'écrire pour des adultes et que les mots, lorsqu'ils sont libres et sans entrave, m'intimident moins une fois que je les déroule sur le papier ;
- parce qu'écrire doit être avant tout synonyme de s'amuser et que les enfants savent ne pas se prendre au sérieux lorsqu'il s'agit de lire, alors que les adultes sont persuadés que la lecture - et donc l'écriture - doit nécessairement apparaître comme une preuve d'intelligence ;
- parce que je n'aime pas me prendre au sérieux et parce que je ne veux pas qu'on me prenne au sérieux ;
- parce que j'écris avec l'âge que j'ai au fond de moi et que mon âge véritable n'a pas dépassé les 15 ans, contrairement ce que dit la date de naissance sur ma carte d'identité.
Voilà pourquoi j'écris pour la jeunesse : parce qu'au fond je n'ai pas vraiment envie de grandir (= vieillir) et qu'écrire des histoires pour enfants est la seule façon socialement acceptable de rester enfant même lorsqu'on habite un corps de grande personne.

Je tourne dans ma tête toutes ces réponses que je n'ai pas faites à Copine Juju. Et puis sur Internet, je tape "écrire pour les enfants" et je tombe sur le magnifique discours prononcé par Isaac Bashevis Singer à l'occasion de la réception de son prix Nobel de littérature en 1978 :

« Pourquoi j’écris pour les enfants »

Il y a cinq cent raisons pour lesquelles j’écris pour les enfants, mais pour économiser le temps, je ne dirai que dix parmi elles.
1 · Les enfants lisent les livres, et pas les critiques. Ils s’en foutent des critiques.
2 · Les enfants ne lisent pas pour trouver leur identité.
3 · Ils ne lisent pas pour se libérer de la culpabilité, pour calmer leur rébellion, ou pour se débarrasser de l’aliénation.
4 · Ils n’ont rien à faire de la psychologie.
5 · Ils détestent la sociologie.
6 · Ils n’essaient pas de comprendre Kafka ou Finnegans Wake.
7 · Ils croient encore en Dieu, la famille, les anges, les diables, les sorcières, les farfadets, la logique, la clarté, la ponctuation et d’autres trucs aussi obsolètes.
8 · Ils adorent des histoires passionnantes et non pas les commentaires, les guides ou les notes en bas de la page.
9 · Quand un livre est ennuyeux, ils baillent sans gêne, sans avoir peur ou honte.
10 · Ils n’attendent pas de leur écrivain chéri de sauver l’humanité. Aussi jeunes qu’ils soient, ils savent que ce n’est pas dans leur pouvoir. Seuls les adultes ont des illusions aussi enfantines.

Il y a cinq cent raisons d'écrire pour les enfants. Et d'autres auteurs (je veux dire de "vrais auteurs"), avant moi, en ont énoncées certaines : on peut les lire ici. Soudain, je me sens un petit peux moins seule.

mercredi 4 mars 2009

Scoty

Attention ! Prêt pour le décolage ? Direction : Zloopland !
La navette spatiale est quasiment prête à vous accueillir pour vous amener à quelques zloop-lumière de là, du côté de la nébuleuse "Ricochet projet 6". En attendant, un petit Zloop s'est fait tout beau pour vous faire patienter avant de vous faire découvrir sa petite histoire et ses belles illustrations, réalisées par Coralie.

Voici Scoty, le petit Zloop à l'accent scotish :
Scoty a hâte de retourner sur sa planète. Car ici, sur Terre, la vie n'est pas de tout repos... surtout quand on partage le toit d'un félin doudouvore !


Mon amie l'idée

S'il y a une chose qui me fascine, c'est d'assister à la naissance d'une idée. Au début, c'est une petite idée de rien du tout : un mot qui sonne bien, un regard qu'on a croisé, une petite image dont les couleurs nous ont frappé... Pas grand chose, vraiment. La plupart du temps, les idées meurent avant de naître. Si on ne pense pas à retenir le bout d'image ou les morceaux de mots, ils s'évanouissent et ne parviennent pas même au statut d'idée. Ce n'est alors pas même une fausse couche, mais tout juste une grossesse nerveuse.
Mais quand on sait attrapé l'idée, elle résiste à l'oubli. Et voilà, tout commence. Un mot appelle une image qui appelle d'autres mots, sur lesquels viennent se greffer des bouts d'histoires. Et l'idée file - file si vite, si loin, qu'on ne peut la retenir.

En ce moment, je lis régulièrement le blog ouvert par l'auteur Patrice Favaro et l'illustratice Françoise Malaval, autour de leur album Ammi, à paraître aux éditions Mas(s)ala. Ce blog raconte l'histoire d'une idée. Au début, il s'agit d'une toute petite idée qui a le visage d'une fillette devant la guerre. Puis l'idée grandit, prend forme dans l'imagination de l'auteur et sous les pinceaux de l'illustratrice. Patrice Favaro raconte les détours qu'a pris l'idée et montre comment il a réussi avec son amie à attraper sa vague idée de départ pour donner naissance à un album pour enfants... que j'ai hâte de lire !

Voilà, le blog d'Ammi est ici. Allez-y !